Stéphane RAYAT, photographe, présente La Nébuleuse volcanique, une exposition présentant une aventure d’art-thérapie accompagnée par Nicole Depagniat. Du 1er au 30 septembre 2017 à l’Épicerie des Halles à Limoges
• Comment de la rencontre entre un photographe et une artiste plasticienne est née une aventure en création accompagnée ouvrant sur un horizon insoupçonné de découvertes, de questionnements, de surprises et de jubilation.
• Comment un accompagnement d’un an en création a porté vers une révélation de soi au travers de la forme artistique.
• Comment le jaillissement étonnant d’une forme en volume et la confrontation avec cette matière nouvelle, dans ses textures, ses couleurs et ses détails, a permis l’approfondissement d’un regard photographique.
• Comment d’une nécessité quasi physique « d’entrer dans la matière » s’est révélée une nouvelle lumière.
ACCOMPAGNER UN TRAVAIL EN CRÉATION:
DE L’ART D’AVANCER DANS L’INCERTITUDE
Nicole Depagniat, artiste plasticienne et art-thérapeute
La rencontre avec Stéphane s’est faite par le prisme de certaines de mes oeuvres que je souhaitais faire photographier. Stéphane m’a découverte comme plasticienne avant de me connaitre comme art-thérapeute. Il s’est familiarisé avec mon monde, ce qui n’est pas une démarche classique dans une relation future d’accompagnement en art-thérapie.
Ce regard de photographe posé sur mon travail a néanmoins dû influencer le cheminement personnel de celui qui regardait et déclencher un questionnement.
Quelques temps après cette première étape, Stéphane a manifesté son souhait d’entamer un travail avec moi. Nous avons alors débuté un parcours qui a duré un peu plus d’un an.
DE QUOI PARTIR, VERS QUOI ALLER?
Après quelques consignes proposées en début de parcours pour se laisser aller à une trace déchargée de trop d’intentionnalité et permettre de se rassurer sur la « faisabilité technique », je propose souvent un travail qui permette d’entrer tout de suite dans une forme inattendue en lien plus ou moins direct avec soi: ce peut être écouter ou sentir sa respiration, scruter son visage dans un miroir, observer son grain de peau sur le bras, utiliser sa signature administrative ou encore déposer une empreinte de doigt ou de main, etc ….
L’idée est de faire se rencontrer quelque chose qui nous est propre et qu’on connait d’une certaine manière, avec une forme inconnue émanant pourtant de cette première forme « connue ». Tout le travail consistera ensuite à rendre cette nouvelle forme plus artistique: plus complexe, plus technique, de manière à se détacher progressivement de la forme première et entrer dans un processus inédit, vers toujours plus de profondeur.
La difficulté réside souvent dans la résistance au nouveau et au souhait de pouvoir rattacher ce qui se crée à un référentiel.
Or, si la création ne vient jamais de rien, (d’où ces propositions de point de départ), il ne s’agit pas non plus d’aller vers ce qu’on connait, mais d’accepter de s’ouvrir à l’inconnu qui vient à notre rencontre lorsque l’on crée. Tout l’enjeu est là: les formes qui jaillissent de nos mains ne sont pas là pour nous dire ce que nous sommes, mais pour nous emmener ailleurs, vers cet autre nous-mêmes qui se construit progressivement en même temps que la forme qui se crée.
Stéphane a compris cet enjeu étonnamment vite et s’est véritablement laissé porter par ce qu’il découvrait au fur et à mesure que ÇA se faisait et qui nous emmenait à chaque fois plus loin.
Mon rôle est celui d’un compagnon de voyage: j’avance avec Stéphane sur un terrain inconnu, bien souvent semé d’embuches. Je peux seulement proposer un « outil », une technique, une idée, que mon intuition me tend déjà dans ce que je pressens du propre ressenti de Stéphane face à sa production. Mais c’est évidemment sans garantie de succès. Nous avons souvent tâtonné, cherché, essayé, pour finalement échouer en fin de séance car la forme devant nous, ce n’était toujours pas ÇA.
La seule chose qui nous a guidé a pourtant été cette forme dans l’état où elle se trouvait au moment où nous la rencontrions: dans son exigence, sa complexité, son mystère souvent plus hermétique que la fois précédente. Là où nous pensions parfois toucher au but, nous nous rendions compte seulement qu’un nouveau pan se levait et qu’il allait falloir aller plus loin encore: creuser, combler ou évider, arrondir, assombrir certaines parties pour en éclaircir d’autres, monter encore en volume, mais sans casser la base etc…, tout cela nous faisant rencontrer d’importants problèmes techniques.
Ce que je retiens néanmoins de mes expériences d’accompagnement, est que l’avancée sur soi est d’autant plus importante que la frustration est présente dans le processus de création: quelque chose qui nous dépasse est à l’oeuvre au moment où nous avons l’impression de ne pas y arriver. Il nous faut alors tenter de dépasser cet inconfort par la persévérance, car nous sentons qu’il y a au bout quelque chose de réellement extraordinaire qui nous appelle et que nous pouvons véritablement toucher du doigt.
Cela se passe évidemment dans l’intériorité et l’indicible. Traverser ces deux états dans le dialogue avec la forme qui se crée, nous ouvre des perspectives inouïes de possibles et de changement de regard sur le monde.
La boucle a enfin été bouclée lorsque suite à différents exercices d’intériorisation, Stéphane s’est lui-même projeté à l’intérieur de sa forme, comme personnage faisant partie d’un monde nouveau qu’il avait lui-même créé. C’est alors que s’est révélée la nécessité de marquer symboliquement ce passage à l’intérieur de la forme, par l’instantané photographique au-travers de la macro-photo. Ces photos sont pour moi une marque visible laissée au regard extérieur d’une expérience intérieure bouleversante difficilement partageable. Elles permettent aussi de découvrir des détails importants non forcément détectés par un regard trop rapide qui ne ferait qu’effleurer la forme en volume.
Ces photos nous permettent en somme de changer aussi notre propre regard sur la forme dans ce qu’elle nous renvoie au premier ressenti. Elles nous disent de nous ouvrir, d’être seulement attentifs à ce qui est là pourtant, pour nous donner une chance de découvrir un trésor dans une présence quasi invisible.
La Démarche
La Nébuleuse Volcanique est le fruit d’une rencontre entre la matière et la photographie, Nicole Depagniat, Artiste Plasticienne et Art-Thérapeute, m’a accompagné dans ce cheminement créatif.
Je vous propose de me suivre dans l’histoire de cette création basée sur l’introspection. Partant de l’empreinte de ma main, trempée dans l’encre de chine et apposée sur une feuille de papier, je me suis concentré sur un détail de cette impression.
Il s’agit alors d’avoir un regard abstrait et de me détacher de l’ensemble pour donner un autre sens à cet élément, afin de partir à sa découverte.
La représentation de ce détail en relief va forger mon cheminement. Sa création aboutissant à l’étonnement de voir où le travail me mène plutôt que de le diriger, comme si L’œuvre décidait.
Ce fragment d’empreinte m’a inspiré la forme d’un dôme. Il ressemblait à un cocon. Dès lors, j’ai eu envie de découvrir ce qui se trouvait à l’intérieur, chercher la bête ou peut-être me trouver.
Lui donner vie
Il était temps de repartir sur un nouveau support.
J’ai pris un grand carton plat, créé des parois afin de pouvoir mettre à l’intérieur de manière instinctive, du carton, des éponges, du coton, de la gaze, jusqu’à faire déborder, en laissant aller, aller plus loin, ou l’œuvre m’emmène.
Là, est née l’idée d’un volcan, jaillissant comme une explosion de joie. Toutes les possibilités se présentaient à moi . . . Jubilatoire !
Il était temps de travailler avec un autre élément, liquide cette fois, le plâtre ! Le laissant couler d’abord, contempler le résultat et le façonner ensuite sans influence majeure en m’inspirant de son cheminement naturel.
Nicole m’incite à toucher l’œuvre sans la voir, pour la redécouvrir, je me ressens tout petit à l’intérieur, je la vois dans une autre dimension, Découvrant cet élément comme un retour aux sources. Le choix des pigments naturels pour apporter de la couleur devient une évidence.
En la faisant tourner sur elle-même pour appliquer les couleurs, m’est venu l’image d’une nébuleuse. « La Nébuleuse Volcanique » était née.
Ce n’était plus la matière, je m’étais complétement approprié l’œuvre. Il était temps de la mettre en lumière.
De la matière à la photographie, quelle belle alliance !
Repartir sur de nouvelles découvertes, avec mon appareil et la macro photo. Utilisant un flash déporté, cette nouvelle lumière apporte des reliefs, des zones d’ombres, donnant un regard neuf, et une façon différente de s’y projeter.
S’inspirant de ce qui est, non de ce que l’on veut, la photo prolonge la part de rêve et de mystère.
Elle permet de briser le mur d’inattention, mettant en garde contre les effets dévastateur des pensées vouées à l’esthétique, au risque de perdre la curiosité et l’étonnement. Stéphane Rayat, photographe